Faire du sport en Suède : une expérience socio-anthropologique fascinante
Pour une accro au sport comme moi, la Suède est vraiment le pays idéal. L’activité physique y est promue de tous les côtés et l’on encourage tout un chacun à pratiquer le plus de trucs en extérieur possible.
Outre cette formidable démocratisation, il y a quand même des codes à respecter. Faire du sport en Suède, c’est donc s’immerger dans une pratique sociale fascinante, qui consiste généralement à ignorer ton prochain et acheter des sapes de marque.
Un pays de gens healthy
Pardonnez-moi l’anglicisme, mais je trouve qu’il sied à merveille à l’ambiance générale. L’activité physique est une composante majeure de la vie de tout Suédois qui se respecte, et ce qui est chouette, c’est qu’elle peut prendre n’importe quelle forme.
Les salles de sport sont ouvertes 24H/24 à un prix dérisoire tandis qu’il y a des dizaines de spots où aller faire du skate gratuitement en ville (exemple inspiré par Martin, évidemment).
Pas envie de rester enfermé ? Pas de problème, tous les parcs proposent des parcours de santé bien entretenus, où les sportifs aiment se tirer la bourre les week-ends. Il y a des blocs d’escalade en extérieur près de la mer, et pendant l’été, il y a des dizaines d’entraînements gratuits partout dans la ville (pour en citer quelques-uns : Träna i Parken, Friskis och Svettis, Staden är vårt gym, Sweat&Food to Goal…).

On ne peut pas dire qu’il n’y ait pas le choix ! Ajoutez à ça l’obsession du pays pour la bouffe healthy et une vision du travail qui laisse une belle place au bien-être de ses employés, et vous avez le combo parfait pour prendre soin de votre santé.
La salle de sport et les rapports sociaux
Là vous êtes sûrement en train de vous imaginer un pays merveilleux, peuplé d’être humains de tous âges en tenue de sport, se donnant la main sur les tapis de course et conversant joyeusement les uns avec les autres.
Je vous arrête tout de suite. C’est le contraire. S’il n’y avait pas de musique à la salle de sport, on entendrait les mouches voler. Je pense que c’est l’un des endroits où l’individualisme du pays transpire le plus (transpire ! à la salle de sport ! elle est bonne).

Habituée des salles françaises où tout le monde jaquete avec tout le monde, je suis surprise de constater que chez Nordic Wellness, on ne se dit pas bonjour quand on arrive.
Il y a par exemple ce jeune homme, qui doit avoir le même âge que moi, et qui s’entraîne exactement les mêmes jours et à la même heure que moi. Ça fait 8 mois qu’on se croise régulièrement. Vous me croyez si je vous dis que j’ai réussi à lui faire dire bonjour deux fois seulement ? Moi non plus j’ai pas envie de parler aux gens à 5h30 du matin mais je n’en oublie pas pour autant la politesse…
Tu te démerdes
Le truc, c’est que c’est une vraie norme sociale. Si j’insiste pour lui dire bonjour, il va certainement me prendre pour une cinglée qui veut le choper.
Sauf que partageant la même zone et les mêmes équipements à la salle de sport, je trouverais ça sympa de pouvoir communiquer et peut-être pouvoir compter sur lui si j’ai un jour besoin d’un spotter ?
De la même manière, quand les places sont un peu limitées, j’aimerais savoir que je peux partager une barre ou une machine avec mon voisin de salle. Mais non, ça c’est impossible. En Suède, tu ne partages pas. La place est prise ? Tu attends ton tour bien sagement en fermant ta gueule.
J’ai moi-même proposé à un type de partager ma barre de squats un jour où il y avait pas mal de monde. Le mec a préféré aller se foutre à l’autre bout de la zone pour ne surtout pas avoir à échanger avec moi. Ce jour-là, j’ai compris.

Autre exemple qui m’a particulièrement froissée : au début de mon installation en Suède, je cherche à me faire des amis. Le coach sportif avec lequel j’ai choisi de m’entraîner organise aussi des entraînements de groupe les week-ends. Naïve, je me dis que c’est l’endroit idéal pour me faire des potes avec les mêmes centres d’intérêt.
J’y vais trois ou quatre fois, et c’est à peine si les autres participants me disent bonjour ! Les meufs qui se connaissent déjà discutent entre elles et semblent complètement ignorer mon existence.
Déçue, je dis à mon coach qu’il ne me reverra plus jamais à ses entraînements de groupe (en dehors de ça, il est génialissime et je m’entraîne toujours avec lui, il s’appelle Coach Christoffer).
Pas de jugement entre les gens
Le bon côté de cet individualisme patent, c’est que personne ne te juge puisque personne ne te regarde. Contrairement à la France où tout est bon pour se foutre de la gueule des autres quand ils ratent un mouvement ou ne sont pas assez souples pour faire ci ou ça, en Suède, l’autre n’existe pas.
Les gens sont ici assez matures pour comprendre qu’il peut être difficile pour certaines personnes d’aller au yoga ou à la piscine par peur du regard des autres. Ils savent aussi qu’il y a un début à tout, et les débutants ne sont donc pas moqués. L’autre est tout bonnement ignoré.
De la même manière, en tant que meuf qui fait de la musculation à la salle, je ne suis jamais confrontée au mansplaining ou à de la drague lourde comme ça a été si souvent le cas en France. En Suède, je peux faire mon entraînement OKLM, sans me demander si le type qui court sur le tapis mate mon cul comme un pervers (et si je le chope en train de le faire, il aura trop honte pour revenir).
Les meufs, Gymshark et Instagram
Mais est-ce bien le cas ? N’y a t-il vraiment aucun jugement entre les gens ? C’est ce que je me demande quand je vois certaines meufs débarquer à la salle de sport : tenue Gymshark hors de prix (à base de 80€ le legging les gars) alors qu’elles ne squattent même pas, maquillée, parfumée (sérieusement, du parfum à la salle ?), et manucurée. Je me pose aussi la question quand je vois les comptes Instagram des influencers fitness suédoises, incapables d’autre chose que de montrer leur cul tout en vantant les mérites du dernier legging Gymshark justement…
Rien ne dépasse, les sourcils sont toujours épilés et le fond de teint bien étalé. Moi je débarque à la salle le cheveu gras et le teint terne, les aisselles qui puent et parfois même l’orteil de chameau dans mon legging H&M, et je me demande parfois si je ne devrais pas essayer d’être plus belle gosse pour aller m’entraîner. Et puis je pète un record personnel et j’arrête de me poser la question parce qu’en fait, j’en ai rien à foutre. Le seul truc qui compte, c’est la perf ! N’est-ce pas ?
Si vous aimez le sport et la bouffe (mais surtout le sport), suivez mon compte IG perso : @marinelifts
6 Commentaires
Il a fallu à peut près deux ans pour que mes co cavalières arrêtent de m’ignorer au centre hippique ou je vais au minimum une fois par semaine. Puis un jour, sans que je fasse les choses différemment, elles se sont mises à me parler. Maintenant je suis in.
À la salle de sport ou je vais il a à des notes a plusieurs endroits qui incitent les gens à se doucher avant l’entraînement et d’avoir des habits propres pour ne pas déranger les autres par leurs mauvaises odeurs. Les affiches sont apparues une semaine après que des jeunes réfugiés aient commencé de fréquenter la salle.
Bonjour Laurence ! 2 ans c’est sacrément long… Mais le plus dur est passé ! Pour le coup des affiches, ça paraît dingue, je suis surprise. Tu es à Malmö aussi ?
Je suis à Lomma
” j’arrête de me poser la question parce qu’en fait, j’en ai rien à foutre” ==> YEAAAH (avec un bon riff de guitare derrière)
:D
????? bah ouais rien à voir avec la France. Et c sûr tu ne verras pas mon cul moulé dans un legging sur Instagram ?????