Yoga, petits gâteaux et couettes en polaire : le quotidien dans une entreprise suédoise

J’ai récemment parlé de mon expérience du marché du travail suédois dans cet article. Aujourd’hui, j’ai envie de vous raconter la vie quotidienne au bureau (ou en tout cas dans mon bureau), parce qu’elle est quand même beaucoup plus cool que tout ce que j’ai pu expérimenter par le passé.

Évidemment, je bosse dans une agence web et marketing. Les apparences et le swag sont donc encore plus importants que dans d’autres types d’entreprises, mais dans l’ensemble, ce qui se passe dans mon bureau s’applique à la plupart des bureaux suédois. Si après ça, vous n’avez pas envie de venir bosser en Suède…

Le petit-déjeuner, c’est sacré

Dans mon agence, une semaine type commence toujours avec un petit-déjeuner. Le lundi matin est le seul jour où tout le monde doit être présent à 9h (ou avant) car c’est à cette heure-là que débute la fameuse réunion de production hebdomadaire, prétexte presque pas déguisé pour profiter d’un petit-déjeuner buffet typiquement suédois (comprenez pain, beurre, fromage, poivron, concombre et jambon).

Au début de mon contrat, le meeting se tenait dans la grande salle de réunion du bureau. Et au fur et à mesure des semaines, il s’est progressivement déplacé vers la cuisine, endroit stratégique s’il en est puisque c’est là que se trouve le buffet, et que c’est quand même plus pratique d’être à portée de bras de celui-ci pour se resservir un p’tit bout de claquos.

De temps en temps, nous avons aussi le privilège de prendre le petit-déjeuner du lundi dans des endroits plus sympas que le bureau. Le meilleur en date : un délicieux buffet sur le toit-terrasse du restaurant Grilljanne, avec en prime une météo absolument magnifique.

Des fika en veux-tu en voilà

Le rôle de la nourriture dans un bureau suédois ne s’arrête pas là. Premièrement, il y a TOUJOURS de la bouffe quelque part : corbeille de fruits, gâteaux secs, thé, lait, restes du petit-déj du lundi, pâtes à tartiner et autres confitures… Il est impossible de mourir de faim au bureau. Tout est en libre service. Et d’ailleurs, tout a vocation à être partagé car il s’agit d’un pays socialiste. Ne laissez donc pas votre beurre de cacahuètes sans surveillance dans le placard !

Mais s’il y a bien un concept suédois qui s’applique parfaitement à l’environnement professionnel et qui a trait à la nourriture, c’est celui du fika (n°11 de cette fabuleuse liste). Le fika consiste en une petite pause dans la matinée ou l’après-midi, où chacun se sert une tasse de café et mange un truc. En général, on achète quelque chose de spécifique à manger : un gâteau, des kanelbullar, de la glace, des smoothies…

Il peut y avoir une raison, comme un anniversaire ou un départ, ou pas. Le fika peut être organisé ou spontané. Il peut se tenir dans la cuisine du bureau ou dans une salle de réunion. Le fika est un concept flexible en soi. Une obligation demeure toutefois : y participer. Quelqu’un qui ne prend pas part à un fika ne mérite pas sa place dans un bureau suédois et prend le risque de se mettre tous ses collègues à dos. (100 % vrai)

Et tous les autres moments de la journée

Vous pensez sans doute que j’en ai fini avec la bouffe ? Que nenni ! En plus du fameux fika, le concept de Beer Friday est aussi très répandu en Suède. Comme son nom l’indique, il s’agit de boire de la bière le vendredi après-midi.

C’est un peu comme s’exclamer TGIF devant son chef, avec ses collègues, alors qu’on est encore censé travailler 3h. Oui parce que les Suédois n’attendent pas l’heure de l’apéro pour décapsuler leur Despe. En général, on entend les premiers tintements de verres aux alentours de 14h30. Santé !

We’ve got a tradition at DD : it’s Beer Friday. And you know what ? We even have a beer brewer among us. It’s @olofssonbrewing and he always treats the team with the best stuff ! Thank you Master Brewer ? ? #dynamicdog #beer #beerfriday #olofssonbrewing #beertasting #agencylife #officelife

Une publication partagée par Dynamic Dog digital agency (@dynamicdogab) le 19 Mai 2017 à 6h36 PDT

Mentionnons aussi les divers déjeuners : repas au restaurant, livraisons au bureau, invitation chez le client… qui rythment les semaines. La plupart du temps, les choses sont prévues à l’avance. Mais parfois, la spontanéité prend le dessus et notre responsable administratif propose de tester les nouveaux poke bowls ouverts récemment. Et c’est quand même plutôt chouette, surtout quand c’est le taff qui paye !

Les Suédois et les réus à rallonge

Ça y est, cette fois, j’en ai fini avec la bouffe. Passons au sujet suivant : la Suède est malade de la réunionite aigüe. Oui je suis comme ça moi, je dénonce ! Tous les Français que je connais qui travaillent en Suède font le même constat : les Suédois adorent les réunions, notamment les réunions très longues, qui ne servent généralement à rien à part boire du café, manger des gâteaux (le fika, meilleur partenaire de vos réunions), parler de son week-end et se mettre d’accord sur la date du prochain meeting.

Pour vous donner une petite idée, je me suis déjà vue rester toute la journée chez un client alors que j’avais seulement une heure de réunion prévue le matin à 9h… Mais ils adorent faire traîner les choses, parler de la pluie et du beau temps, reprendre un bout de gâteau, etc etc. Le bon côté, c’est que personne n’est jamais trop stressé au bureau !

Les horaires pas vraiment contraignants

Si la Suède a un petit souci avec les réunions, la France quant à elle, a un énorme problème avec le présentéisme. Faire des heures à rallonge, même dans le vent, est signe de réussite professionnelle chez nous. C’est faire montre d’investissement et d’intérêt pour l’entreprise, et souvent un bon moyen pour s’attirer les faveurs des chefs. Fascinant pour le pays d’Europe ayant la plus courte semaine travaillée quand même. Aurions-nous quelque complexe ?

En Suède, les employés travaillent officiellement 40h par semaine, 8h-17h, avec une pause d’une heure pour déjeuner. Mais concrètement, personne ne s’occupe de l’heure à laquelle un tel arrive au bureau, ni l’heure à laquelle un tel repart.

Si j’ai moins de travail à certains moments, je peux partir plus tôt, ou arriver plus tard au boulot, personne ne me jugera. De la même manière, personne ne trouve indécent que notre chef d’agence se taille à 15h30 l’après-midi. Elle travaille beaucoup mais elle a des gosses avec qui elle aime passer du temps, et elle ne se prive pas pour le dire.

C’est une vision des choses que je trouve vraiment chouette, mais en tant que Française habituée au monde de l’entreprise français (et ayant bossé au Vietnam où les horaires sont respectés à la lettre), l’adaptation n’a pas été facile. Pendant un an, j’ai fait mes 40h par semaine, m’attirant parfois les moqueries (gentilles les moqueries, hein) de mes collègues. Depuis, j’ai appris la leçon !

Les entreprises comptent sur leurs employés pour faire leur travail – un véritable contrat de confiance existe, qu’on a en revanche, beaucoup de mal à trouver en France.

Du coup, si je dis que je suis malade et que je préfère bosser de la maison aujourd’hui, ma chef me croit. De la même manière, si mon avion a 2h de retard et que je rentre à Malmö à 4h du matin après un week-end en France, ma chef me croit. Et elle me laisse dormir le lendemain matin !

Venez comme vous êtes

Au départ, j’avais intitulé ce paragraphe « La dégaine » parce que c’est vraiment de cela dont il s’agit ici, puis je me suis dit que ça ne reflétait pas exactement la vision suédoise. Non, parce que la dégaine implique que quelqu’un vous regarde et juge votre dégaine. Alors que « Venez comme vous êtes » symbolise bien mieux la tolérance et l’ouverture d’esprit qui règnent dans les bureaux suédois.

Aujourd’hui, j’ai pas envie de me coiffer ni de me maquiller. J’ai même pas envie de m’habiller correctement, alors je vais juste enfiler un sweat et un pantalon. Bah voilà, je fais ça, et je file au bureau. Personne ne va venir me voir en me demandant si quelque chose ne va pas.

Arrivée au bureau, j’en ai marre de mes chaussures, elles m’énervent ! Alors je les enlève, et puis je marche en chaussettes le reste de la journée. À un moment, j’ai froid à cause de la clim. Je vais chercher une petite couverture en polaire et je la colle sur mes épaules, je passe quelques heures avec, et je me sens mieux. Je regarde le bureau d’à côté : mon collègue porte des chaussons qu’il laisse au travail. Je me dis que c’est peut-être une bonne idée…

Voilà, tout ça pour vous dire que l’apparence ne compte pas en Suède, pas dans un taff comme le mien en tout cas, malgré le fait que je rencontre régulièrement nos clients. Le jour où j’ai rasé un côté de ma tête, quasiment personne ne s’en est aperçu. Je n’ai jamais eu de commentaires quant à mes tatouages ou mon piercing.

Pour vous donner un élément de comparaison, mon premier boss au Vietnam, un Français d’une soixantaine d’années, était persuadé que je fumais de la beuh et me mettais des caisses à la bière tiède parce que j’avais un piercing et des tatouages. C’est dire le fossé qui sépare ce type de mes congénères suédois…

Did you know that pandas and foxes were really pleasant coworkers ? And they’re good project leaders too ? ?(notice the bearded fox ? That’s a very rare species) – – #dynamicdog #dynamicpanda #dynamicfox #officeanimals #officelife #agencylife

Une publication partagée par Dynamic Dog digital agency (@dynamicdogab) le 21 Avril 2017 à 2h28 PDT

Vous pouvez venir avec votre masque en papier, comme toute personne normale ici.

Des activités délirantes

Un employé heureux est un employé productif, n’est-ce pas ? Alors pour rendre leurs employés heureux, les entreprises suédoises font généralement des efforts, n’hésitant pas à tester de nouvelles activités et à demander à leurs employés ce dont ils ont envie.

Dans mon agence par exemple, nous avons commencé le yoga. C’est un classique, je vous l’accorde, mais c’est quand même assez sympa, surtout quand c’est le mardi après-midi et que c’est suivi d’une tournée au bar d’à côté ! Dans ma boîte précédente, nous avions fêté Midsummer en allant tirer des cartouches au stand de tir un samedi après-midi (je suis nulle, ahah). Au bureau, il y a aussi une console Xbox avec quelques jeux. Les gars aiment bien se tirer la bourre à Fifa le midi.

Ce que l’on voit beaucoup sur les réseaux sociaux, ce sont aussi les team-building autour du sport, avec des entraînements et des compétitions en équipe au nom de l’entreprise. C’est chouette pour les employés (qui ne sont d’ailleurs jamais obligés de faire quoi que ce soit, s’entend), mais aussi pour l’image de la boîte. J’essaie de convaincre ma chef de participer à Toughest Malmö l’année prochaine, c’est en bonne voie !

Ultime et symbolique exemple de l’importance du bien-être des employés ici : Ikea, la boîte suédoise par excellence, offre 1500 kr (150€) par an à chacun de ses employés pour le « wellness », c’est-à-dire le bien-être. Les employés dépensent cette somme librement dans des massages, du sport, des soins… Plutôt cool, hein ?

Là, si vous n’êtes pas convaincu, je ne sais pas ce qu’il vous faut…

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